Sommaire
Comprendre le droit à la déconnexion
Qu’est-ce que le droit à la déconnexion des salariés ?
Le droit à la déconnexion est un principe légal permettant aux employés de ne pas être joignables par des outils numériques professionnels en dehors des heures de travail. Il vise à préserver l’équilibre entre la vie privée et professionnelle, en respectant les temps de repos et de congés.
Le cadre législatif : le code du travail et article de loi 2242-17
La notion de droit à la déconnexion est relativement récente. La France est le premier pays à l’avoir introduite par la loi Travail du 8 août 2016, et est entrée en vigueur le 1er janvier 2017. Cette loi a ajouté l’article L.2242-17 au Code du travail, sans toutefois proposer une définition précise du droit à la déconnexion.
C’est donc aux entreprises elles-mêmes de définir les modalités de ce droit, souvent par le biais d’accords collectifs ou de chartes d’entreprise.
Le droit à la déconnexion dans la fonction publique est énoncé par l’accord télétravail du 13 juillet 2021.
La mise en place du droit à la déconnexion en entreprise
L’obligation de l’employeur
En matière de droit à la déconnexion, l’employeur a des obligations légales précises. Sa première obligation est de négocier sur la mise en place de ce droit, en privilégiant l’accord collectif ou la charte d’entreprise :
Pour les entreprises de plus de 50 salariés, cette négociation est obligatoire. En cas d’échec, l’employeur doit élaborer une charte, après consultation des représentants du personnel,
- Pour les entreprises de moins de 50 salariés, il n’y a pas d’obligation de négociation, mais l’employeur doit néanmoins s’assurer du respect du droit à la déconnexion de ses salariés.
La seconde obligation de l’employeur est d’assurer l’effectivité du droit à la déconnexion. Cela signifie qu’il doit mettre en place des mesures concrètes pour éviter que les salariés soient sollicités en dehors de leurs heures de travail. Ces mesures peuvent être variées : création de plages horaires de déconnexion, limitation de l’usage des outils numériques en dehors des heures de travail, actions de sensibilisation, etc.
Enfin, l’employeur est tenu de veiller au respect de ces mesures et de sanctionner leur non-respect. Il doit aussi prendre en compte l’impact du numérique sur la santé mentale des salariés, et mettre en place des actions de prévention du burn-out et autres risques psychosociaux liés à la sur-connexion.
Exemple de mise en place : la charte d’entreprise
La charte d’entreprise est un excellent moyen de définir les modalités du droit à la déconnexion. Elle permet de préciser le périmètre d’application, qui concerne tous les salariés de l’entreprise, et d’établir un ensemble de bonnes pratiques pour l’utilisation des outils numériques.
Par exemple, la charte peut stipuler que les salariés ne sont pas tenus de répondre aux e-mails en dehors de leur temps de travail. De plus, elle peut comprendre des actions de sensibilisation aux dérives potentielles de l’usage excessif des outils numériques, notamment la surcharge informationnelle.
En termes de contenu, une charte efficace doit aussi:
- Définir clairement le droit à la déconnexion et ses objectifs,
- Établir les règles de régulation de l’utilisation des outils numériques,
- Prévoir des actions de formation pour un usage raisonnable de ces outils.
Qui peut définir les modalités d’exercice du droit à la déconnexion ?
Les modalités d’exercice du droit à la déconnexion sont généralement définies par l’employeur, souvent par le biais d’accords collectifs ou de chartes d’entreprise. En effet, en l’absence d’accord collectif, la loi impose à l’employeur d’élaborer une charte, après consultation du Comité Social et Economique (CSE). Cette charte précise les modalités de mise en œuvre du droit à la déconnexion.
Le droit à la déconnexion et le télétravail
Le rôle crucial de la déconnexion dans le télétravail
Avec l’essor du télétravail, la déconnexion hors des heures de travail est devenue une question centrale. En effet, la connexion permanente peut mener à une confusion entre vie professionnelle et vie personnelle. C’est pourquoi il est crucial d’établir des limites claires pour préserver l’équilibre des télétravailleurs.
- Le respect du droit à la déconnexion est essentiel pour maintenir la santé mentale des collaborateurs,
- La mise en place d’un cadre de déconnexion peut se faire par accord collectif ou par une charte élaborée par l’employeur,
- Cela implique de définir des périodes de non-disponibilité et d’encourager une utilisation raisonnée des outils numériques professionnels.
Toutefois, la mise en œuvre de ce droit peut s’avérer complexe dans un contexte de télétravail, où les frontières entre sphères privée et professionnelle sont souvent floues.
Exemple de gestion de la déconnexion en télétravail
Avec la montée du télétravail, des stratégies efficaces pour gérer la déconnexion sont nécessaires. Par exemple, une entreprise peut mettre en place une « politique de non-sollicitation » par téléphone portable après une certaine heure, généralement après la fin de la journée de travail standard.
Elle peut également encourager l’utilisation de fonctionnalités de déconnexion disponibles sur de nombreux outils numériques. Par exemple, les employés peuvent programmer leurs emails pour qu’ils soient envoyés pendant les heures de travail, même s’ils sont rédigés en dehors de ces heures (weekend par exemple).
Enfin, une formation spécifique peut être mise en place pour aider les travailleurs à distance à gérer leur temps et à respecter leur droit à la déconnexion.
Les conséquences du non-respect du droit à la déconnexion
Possible sanction en cas de non-respect
En cas de non-respect du droit à la déconnexion, plusieurs sanctions peuvent être mises en œuvre. Une procédure disciplinaire interne à l’entreprise peut être initiée à l’encontre de la personne responsable. Si un salarié porte l’affaire devant la justice, l’employeur peut être condamné à verser des dommages et intérêts :
- En cas de violation manifeste et répétée du droit à la déconnexion, le salarié peut saisir le conseil des prud’hommes pour obtenir une éventuelle réparation,
- Des sanctions pénales peuvent également être envisagées, avec des peines pouvant aller jusqu’à un an d’emprisonnement et 3750€ d’amende en cas de non-respect de l’obligation de négociation sur la qualité de vie au travail,
- Le non-respect du droit à la déconnexion peut également être sanctionné par le rappel de compensation au titre des astreintes.
Impact sur le forfait jours des salariés
Le forfait jours des salariés peut être impacté par le non-respect du droit à la déconnexion. En effet, les salariés sous ce régime disposent d’une grande autonomie dans l’organisation de leur temps de travail, ce qui peut conduire à une surcharge de travail et à une difficulté à déconnecter. D’après la loi, les conventions individuelles de forfait en jours doivent définir les modalités d’exercice du droit à la déconnexion :
- Les accords collectifs doivent alors prévoir un suivi régulier de la charge de travail du salarié,
- En cas de non-respect de ces obligations, la convention de forfait jours peut être privée d’effet, ce qui signifie qu’elle ne s’applique pas de manière temporaire,
- En outre, un non-respect de l’autonomie du salarié peut conduire à l’annulation de la convention de forfait jours, avec des sanctions pécuniaires pour l’employeur.
Il est donc crucial pour l’employeur de respecter le droit à la déconnexion des salariés sous forfait jours pour éviter ces conséquences.
Comment faire respecter le droit à la déconnexion ?
Face à un non-respect de leur droit à la déconnexion, les salariés disposent de plusieurs recours :
- D’abord, ils peuvent en informer leur responsable hiérarchique pour instaurer un dialogue et trouver des solutions adaptées,
- Si cette démarche n’aboutit pas, ils peuvent se tourner vers les représentants du personnel ou les représentants syndicaux de l’entreprise pour faire valoir leur droit,
- Enfin, en cas d’échec de ces démarches internes, les salariés peuvent saisir l’inspection du travail ou le conseil des prud’hommes pour obtenir réparation.
Le droit à la déconnexion pendant les vacances
Le droit à la déconnexion s’étend également aux périodes de vacances. En effet, pendant ces temps de repos essentiels, les salariés ont le droit de ne pas être sollicités par leur employeur. Ce droit, bien que souvent méconnu, est garanti par la loi. Les sollicitations professionnelles durant les vacances peuvent être sources de stress et peuvent entraver la capacité du salarié à se ressourcer pleinement.
Il est ainsi recommandé aux salariés de désactiver leurs notifications professionnelles et de communiquer clairement leurs périodes de vacances à leurs collègues et supérieurs. De son côté, l’employeur doit respecter ces temps de repos et éviter autant que possible de contacter ses employés en vacances.
Cependant, il existe certaines exceptions à cette règle, notamment pour les postes à haute responsabilité ou lors de situations exceptionnelles nécessitant une intervention urgente. Ces exceptions doivent rester ponctuelles et ne pas constituer la norme. Le respect du temps de repos est essentiel pour maintenir un bon équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle.
Rappel des obligations de l’employeur et des droits des salariés
Dans le cadre du droit à la déconnexion, l’employeur a pour obligation de mettre en place des mesures adaptées pour protéger la santé mentale de ses salariés, selon le code du travail (article l.2242-17). Cela peut se traduire par :
- L’élaboration d’une charte ou d’un accord collectif,
- La mise en place de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques.
Tous les salariés, qu’ils soient en télétravail ou sur site, ont le droit de ne pas être sollicités en dehors de leurs heures de travail. Et ce droit s’étend également aux périodes de congés et de repos.
En cas de non-respect de ces obligations, l’employeur peut encourir des sanctions pénales, notamment en cas de non-engagement des négociations prévues par le Code du travail. De plus, une condamnation pour non-respect du temps de repos et des droits des salariés peut être envisagée, ainsi que des dommages et intérêts pour préjudice subi par les salariés concernés.
L’évolution prévue du droit à la déconnexion dans les prochaines années
L’évolution du droit à la déconnexion est prévue à plusieurs niveaux dans les prochaines années.
Les législateurs de la Commission européenne envisage d’adopter une proposition législative de directive sur le droit à la déconnexion, visant à renforcer le droit à l’absence de sollicitation professionnelle en dehors du temps de travail.
Parallèlement, les entreprises sont poussées à revoir leurs pratiques. Une étude Opinion Way révèle que seulement 16% des grandes entreprises ont instauré des règles de déconnexion, et 23% ont rédigé des chartes de bonnes pratiques.
Une nouvelle approche, le droit à la « connexion raisonnée », est également en discussion. Cette approche vise à repenser le rapport des travailleurs aux nouvelles technologies, pendant et en dehors des heures de travail.
Enfin, le droit à la déconnexion pourrait être reconnu comme un droit fondamental, essentiel pour la santé mentale et physique des travailleurs à l’ère numérique.